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  article 4- LIVRE Made in Sarcelles, Belle comme le Monde
 
 
 
 
 
 

            

article 4- LIVRE Made in Sarcelles, Belle comme le Monde
   

Réalisation

Xavier Zimbardo
&
Editions Gallimard

Le Grand Ensemble de Sarcelles aura cette année 50 ans. Il voisine avec un village âgé de plusieurs millénaires. Seule commune de France jumelée avec une localité israélienne et une localité allemande, c’est une ville-symbole : le grand ensemble fut bâti pour tenter de remédier à la crise du logement d’après-guerre et accueillir les rapatriés d'Algérie. Il a longtemps personnifié l'anonymat et le malaise des banlieues, donnant naissance au mot « Sarcellite » pour figurer l'ennui des grandes cités-dortoirs.

Dans les médias, quand on évoque Sarcelles, c’est presque toujours pour la dénigrer. Quand une émission aussi sérieuse que « Capital » présente notre ville, elle offre comme première image le seul bâtiment absolument délabré que l’on y trouve et que nous appelons nous-mêmes « la verrue ». Quand un animateur télé à l’humour douteux veut faire s’esclaffer ses auditeurs, il propose de leur offrir un séjour touristique à Sarcelles. Dans la plupart des esprits, cette image caricaturale devient évidente, même chez les plus sympathiques et les moins suspects de malveillance. Quand Renaud, chanteur populaire adulé, décrit la vie d’un voyou malchanceux qui se fait abattre par la police, cela donne sur toutes les radios : « Le braquage a foiré. J'ai une balle dans le ventre, Une autre dans le poumon. J'ai vécu à Sarcelles, J'crève aux Champs Elysées». Quand les lycéens descendent dans la rue contre la réforme d’un ministre, c’est pour crier qu’ils sont contre l’injustice que serait un « Bac Henri IV » et un « Bac Sarcelles ». Son nom est devenu une métaphore pratique : comme la tarte à la crème dans certains vieux films qui ne font plus rire personne, ses habitants entendent avec agacement la sempiternelle rengaine qui prétend désigner leur ville comme ce qui se ferait de pire en France. Quand, en vacances, vous osez dire que vous vivez à Sarcelles, on vous regarde avec crainte ou condescendance, comme si vous sortiez d’un cauchemar ou veniez d’une autre planète, celle de la barbarie : délinquance, violence, misère, laideur…

Or, cette ville a rarement été observée pour ce qu’elle est vraiment. Dépeinte comme hideuse et affligeante par son architecture soi-disant uniforme et ses longues barres de HLM, elle est au contraire variée dans son habitat et connaît des ambiances chaleureuses, d’une diversité étonnante en raison de la multiplicité des traditions qui s'y côtoient. Au-delà de sa communauté juive, une des plus importantes de France, elle est multi-communautaire et un exemple de tolérance à méditer : nombreux maghrébins musulmans ; immigration arménienne de longue date et familles de travailleurs turcs, réfugiés kurdes et chaldéens - la plus grosse communauté assyrienne en France, parlant araméen, la langue même du Christ - ; Indiens et Pakistanais, réfugiés tamouls du Sri Lanka ; Vietnamiens et Cambodgiens ; Antillais et Haïtiens ; Congolais, Maliens, Togolais, Réunionnais … La liste serait longue ! Plus de 80 nationalités sont représentées. Toutes ces populations qui souvent, un peu partout sur la planète, se sont au cours de l’Histoire trouvées meurtries les unes par les autres, vivent ici paisiblement, ensemble, tout en affirmant leurs identités respectives dans leurs lieux de culte, leurs fêtes religieuses et familiales, par le biais des centaines d’associations qui composent la trame d’un tissu social exceptionnel. Pour les jeunes, c’est aussi une capitale de la culture rasta, du hip-hop et du rap en France, le métissage et la rencontre des traditions créant le terreau propice à une singulière créativité musicale et à des danses aux rythmes audacieux. Les clubs sportifs font preuve d’un dynamisme peu commun. Les jardins populaires, la fanfare municipale, les anciens combattants, la vieille église, la forêt voisine, le lac avec ses pêcheurs, ses barbecues, le village avec son patrimoine et ses anciens offrent un contrepoint bucolique à la ville nouvelle.

Je souhaite en donner une vision à la fois poétique, sociale, ethnologique, vision qui sera évidemment subjective, mais qui permettra de renvoyer, à tous ceux qui se font de notre cité une idée fausse, une image de notre vie commune plus conforme à la réalité. Au-delà de ces multiples facettes, de nombreux témoignages émouvants pourraient être recueillis, confidences et visages se faisant écho dans la rencontre de l'écrit et de la photographie.

Ce livre, intitulé « Made in Sarcelles, belle comme le monde », pourrait changer l’image que l’on se fait d’une ville de ces banlieues un peu rapidement honnies parce que méconnues, et devenir un autre symbole, celui d’une authentique fraternité par-delà les origines, les races et les convictions religieuses des uns et des autres. L’exposition accompagnant le livre tournera dans les grandes villes françaises et, si nous rencontrons le succès espéré, pourra être présentée ensuite dans de grandes capitales connaissant avec leur évolution des problèmes assez voisins des nôtres.

Pour ce qui est du commentaire, il faudra accompagner les textes plus "littéraires" de brefs récits colorés et expressifs. Quand j’étais gamin, j’ai retourné la terre des champs avec mon grand-père maternel, de la classe 1928 ! Nous tirions la herse pour casser les mottes, nous produisions des pommes de terre Belle de Fontenay, des petits pois, des haricots verts et des haricots beurre, des groseilles et des fraises, nous grimpions dans les arbres des vergers avec un panier d’osier tressé, muni d’un crochet métallique que nous arrimions aux branches hautes pour récolter des noix, des quetsches, des poires Beurré Hardy, et bien d’autres trésors. Nous portions le surplus à la conserverie voisine de Piscop. D’un autre côté, je me souviens de mon père qui devait se défendre contre le mépris et faisait parfois le coup de poing contre ceux qui le traitaient de « Rital ». Le fléau de la guerre, qui avait dressé les uns contre les autres les peuples de l’Europe, était encore dans les mémoires. Au même titre qu’aujourd’hui, les nouvelles générations ont à faire face au racisme ou à l’antisémitisme, fruits de l’ignorance, de la méchanceté et de la lâcheté. Issu des plus vieilles familles de Sarcelles, les Létrillard – Cousin – Griset - Bethmont, paysans et artisans sous Louis XIV, et d’une famille d’immigrés d’origine sicilienne, je pense être à même de rendre hommage à cette ville dans ce qu’elle a de profondément spécifique, en un témoignage vivant. Et ceci, d’abord, parce que je l’aime en sa différence et sa richesse particulières. Cette ville, je l’ai vu grandir en même temps que moi. Cette année, nous fêterons notre demi-siècle ensemble.

Si l’humanité a un avenir, ce n’est pas dans le « choc des civilisations » mais dans la rencontre des civilisations et le brassage de leurs cultures. Dans l’échange, le partage et l’harmonie. En deux mots, dans la Force de l’Amour. A ce titre, Sarcelles est un laboratoire de l’avenir. Avoir peur de cela, vouloir le nier ou l’empêcher, c’est avoir peur de la vie, qui est perpétuel changement, innovation, expérience, ouverture. Après avoir voyagé tout autour de la planète pour les plus grands magazines, je reviens découvrir ce que j’ignorais si près de moi. Tout est à explorer : on peut rencontrer ici, derrière les façades prétendues grises, un véritable terrain d'aventures, et des âmes de toutes les couleurs. Un chanteur a écrit que « les gens du Nord ont dans les yeux le bleu qui manque à leur décor ». On trouve chez les Sarcellois des yeux de toutes les couleurs. Sarcelles, le regard arc-en-ciel !

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