Prés de 50 000 entrées en 5 jours, le salon de la photo parisien du mois d’octobre dernier a été un franc succés. Bien sûr, cela n’a rien à voir avec la Photokina ou le salon de l’Automobile, mais quand on compare ce résultat aux précédents et décevants SIPI ou MIPS (oui, rappelez, le sybillin “Mondial de l’Image de la Photo et du Son”), on peut crier victoire. Je ne vais pas analyser ici en détail les raisons de ce changement d’attitude du public. Non, la photo n’est pas devenue plus populaire, plus importante entre 2005 et 2007. Mais de nombreux facteurs croisés ont mobilisé les amateurs passionnés et les pros.
D’abord, il y avait l’actualité avec la sorte récente de 6 reflex dont ceux trés attendus de Canon et Nikon. Ensuite, les organisateurs et “la profession” (terme qui regroupe tous les industriels, fabricants, distributeurs, décideurs…) avait enfin accepté de suivre certaines des pistes évoquées par la presse spécialisée, dont Réponses Photo, bien sûr.

Raisons du succés

Loin de nous l’idée de “récupérer” ce succés 2007 (fort fragile quand même, ne l’oublions pas), mais force est de reconnaître que nos diagnostiques étaient justes : il fallait que ce salon s’appelle clairement le “salon de la photo”, on devait pouvoir y entrer gratuitement (ce qui était de facto le cas avec les entrées distribués par les magazines et les sites internet) et il devait être possible d’y acheter les produits présentés (certaines enseignes ont tenté l’exprience et ne l’ont pas regretté !).
Il devait aussi y avoir des “animations” concrètes et pas seulement des défilés “lingerie” d’un goût douteux. Le stand commun de nettoyage des capteurs n’a pas désempli durant les 5 jours et a profité l’intéret de telles initiatives.
Rajouter à cela deux bons libraires bien achalandés en livres techniques et esthétiques, des débats intéressants, une bonne couverture télé (20h de TF1 et France 2) et vous avez pas mal des raisons du succés. Bien sûr tout n’était pas parfait, notamment sur le plan esthétique où les expos faisaient pâle figure mais bon, on ne va pas chipoter, c’est un salon “matos” et pour l’esthétique, il y a Paris Photo en novembre. Ce n’est pas demain que l’on réconciliera la technique et l’esthétique, aussi bien au niveau des professionnels que des amateurs. Je continue à penser que c’est un peu dommage, mais parfois, il faut prendre le monde comme il est !

Shopping & pub

Le salon de la photo est aussi couvert par la presse “généraliste” et la télé. Et là aussi, selon son humour, on est soit effondré, soit hilare devant les comptes rendus effectués. Ainsi “Le Monde” a publié un article surréaliste où l’auteur mélangeait tout, confondant la sensibilité et le nombre de pixels avant d’illustrer son papier avec les photos d’un Sony Cybershot T70 rose et d’un Vivitar Vivicam 75001 Gold, assurément les deux infos essentielles de ce salon 2007 ! Rien, bien sûr sur les reflex phares, c’est trop compliqué pour les lecteurs ! En tant qu’abonné au célèbre “quotidien du soir”, j’ose espérer que les autres articles sont davantage digne de confiance. Il est vrai que la “technique photo” est reléguée dans des pages shopping, juste bonnes à attirer quelques publicités égarées… Même topo à la télévision où je fus invité sur le plateau d’une émission cablée. Et là, le journaliste chargé de montrer des produits n’hésita pas à sortir de sa poche un APN rose (lui aussi, décidément !) de 1,3 millions de pixels, plus une imprimante 10x15cm et le fameux Sony Cybershot qui déclenche quand on sourit (le truc qui a marché dans tous les articles et toutes les télés !). Là, non plus rien sur les reflex, cela devait être aussi trop compliqués pour les télespectateurs…

Considération…

Bref, c’est chaque fois la même chose : quand un média “généraliste” parle de photo, il refuse d’évoquer la qualité pour se concentrer sur l’anecdote et le gadget. Et c’est aussi pour cela que j’ai pesté au salon de la photo sur les expos dites des “amateurs célèbres”. Bien sûr, je suis ravi de croiser l’immense Charles Aznavour dans les couloirs du salon mais je me moque un peu des images banales et bancales d’autres “personnalités” égarés en ce lieu. Car au final, que se passe t il ? Encore une fois, les “vrais” photographes passent au second plan au profit de “people” qui font des images le dimanche. Au Salon du livre, on célèbre des écrivains, pas des “célèbres amateurs” qui écrivent des poèmes le dimanche dans leur maison de campagne. Et à un salon musical, on ne s’émerveille pas sur les vocalises d’une star du basket dans sa salle de bain ! On pourrait multiplier les exemples car le fait est là : pour le grand public, la photographie conserve un statut artistique mineur. Et ce n’est pas la présence de deux photographes dans une bien “académique” académie des Beaux Arts qui va y changer grand chose. En politique, Françoise Giroud disait que les femmes seront les égales des hommes quand des femmes incompétentes seront nommées à des postes de responsabilité. Je dirai la même chose pour les photographes: ils seront considérés comme des artistes à part entière, quand ils seront invités à donner leur avis, aussi, sur des sujets où ils sont parfaitement incompétents !

Jean Christophe BECHET.

Avec l’aimable autorisation de Jean Christophe BECHET, rédacteur en chef adjoint du magazine REPONSES PHOTO.
Cet article a été publié dans ce magazine numéro 189 daté décembre 2007.