Dorothea Lange

Politiques du visible
Exposition au Jeu de Paume
1 place de la Concorde 75008 Paris
Jusqu’au 29 janvier 2019.

C’est la troisième exposition consacrée en France à Dorothea LANGE sur une période de presque quatre décennies.
C’est dire combien la photographe américaine qui a marqué le monde avec son image de «  Migrant Mother » est présente dans la mémoire collective.
En 1980 au centre Pompidou puis à l’hôtel de Sully en 1998 sous l’égide du Patrimoine Photographique sous la conduite alors de Sam Stourdze – aujourd’hui directeur des Rencontres d’ Arles, voilà que la photographe de la FSA – Farm Security Administration – occupe les murs du Jeu de Paume pour une prestigieuse exposition.
La dernière organisée par la regrettée Marta Gili qui part vers d’autres horizons.
Dorothea Lange débuta à San Francisco comme photographe de portrait, de studio et rien ne la prédestinait à photographier les plus faibles et les plus démunis.
C’est justement non loin de son studio en voyant tous ces pauvres hères trainer leur désespoir qu’elle réalisa une autre de ses photos les plus connues. «  White angel bread line «  ou soupe populaire de l’ange blanc un cliché pris en 1933 soit quatre ans après le terrible krach boursier de 1929 qui plongea l’Amérique et le reste du monde dans une profonde crise économique précurtrice et annonciatrice de la seconde guerre mondiale.
Dorothea Lange délaissa le portrait pour photographier la pauvreté qui gangrenait les rues des Etats Unis.
Elle qui n’avait pas particulièrement d’engagement social se persuada que l’image photographique était un document capable de communiquer une information et changer la société «  The photographic image is a document that could inform and change the society «.
Elle photographia d’abord toutes ces manifestations, ces grèves qui avaient lieu non loin de chez elle. A l’époque, les communistes étaient fort influents dans les mobilisations ouvrières et le maccarthysme n’existait pas encore !
A l’instar de tous ces Américains, urbains et ruraux qui se jetèrent sur les routes dans l’espoir de trouver un avenir meilleur, Dorothea Lange fut chargée par la FSA de documenter cet évènement tragique que fut la grande Dépression.
Ironiquement les routes que traversèrent ces pauvres âmes étaient jonchées de panneaux publicitaires vantant l’Amérique comme ayant le niveau de vie le plus élevé du monde «  world’s highest standard of living «  garantissant les meilleurs salaires.
Les personnes que photographia Dorothea Lange n’avaient pour seuls bagages que des baluchons ou des valises ayant vécu mille vies.
Aussi déguenillés qu’ils puissent l’être, les personnes qui avaient accepté de poser pour elle gardaient toute leur dignité.
Pia Viewing – la bien nommée – et commissaire de l’exposition nous expliqua l’engagement et l’empathie que manifestait la photographe américaine pour ses compatriotes.
Son engagement fut total auprès de tous ces malheureux, ruraux en quête d’un travail.
Ses photos inspirèrent même l’écrivain John Steinbeck à être l’auteur d’un classique qui dépeignirent ces années noires «  Les raisins de la colère «
Dans l’exposition, nous pouvons ainsi voir une lettre que Steinbeck lui écrivit.
Et bien sûr il y a cette fameuse photo de «  Migrant Mother «  érigée en icône, image mille fois copiée et dissertée.
France 2 dans son journal télévisé consacra un reportage à cette exposition pour dire que Florence Thompson, la mère migrante, n’avait rien obtenu.
Propos détestable accréditant le fait que Dorothea Lange serait devenue riche et célèbre grâce à cette image !
Propos détestable qui accrédite que les reporters qui sont là pour témoigner se font du business avec le malheur des gens !
Dorothea Lange n’est pas Jeff Koons ou David La Chapelle !!
On peut également admirer dans cette superbe et lumineuse exposition à voir absolument d’autres images, celles des chantiers navals où travaillèrent surtout des noirs Américains méprisés et traités comme des parias.
Elle a aussi documenté l’internement des Nippo Américains durant la seconde guerre mondiale que nous traiterons dans un autre article.
Cette exposition a pu voir le jour avec ces photos prêtées par le musée d’ Oakland en Californie – The Oakland Museum of California –

 

 

Martial B Auteur