Numériser des diapos sans scanner

Avec l’arrivée du numérique dans la photographie est apparu la possibilité de conserver sur support informatique les photos issues de l’argentique, négatifs ou diapositives. Mais cela n’était possible qu’avec un scanner dont le prix pouvait être dissuasif, en raison d’un achat pour une utilisation qui pourrait n’être que ponctuelle. Aujourd’hui encore, des scanners de qualité fabriqués par Plustek ou Epson se vendent au minimum à 250 – 300 euros sur des sites de vente en ligne.

Depuis peu, il est possible désormais de s’en passer, à condition d’être inventif, bricoleur, et surtout patient. Cela pour une raison simple : la définition de plus en plus importante proposée par les récents appareils photos.

Nous allons donc voir avec un exemple concret comment numériser des diapos pas-à-pas.

L’installation

Tout d’abord, il faut un support lumineux. Deux choix : se procurer une table lumineuse, mais cela est de plus en plus difficile, même en occasion. Ou alors… la fabriquer soi-même. Pour cela, un plafonnier à LED fait l’affaire. Vous en trouverez facilement en grande surface de bricolage pour un prix compris entre 25 et 30 euros. Le modèle ici présent offre une température de couleur de 4000°K d’après l’emballage. Ce dernier critère peut avoir son importance pour la suite. A cela il faut ajouter un câble d’alimentation d’une dizaine d’euros, avec un interrupteur. A charge pour vous de brancher correctement le tout ! Et vous voilà doté d’une table lumineuse pour une trentaine d’euros.

L’appareil photo utilisé est un Canon Eos 90D, doté de 32 mégapixels environ. Il est doté d’un mode Liveview (visée par l’écran) tactile performant avec une assistance de mise au point qui consiste à incruster un contour bleu sur les éléments de l’image à mesure que le focus se fait, ainsi qu’un histogramme en temps réel. L’objectif est un Canon EF-S 35mm f/2.8 Macro IS STM.

Pour le reste, ne pas oublier un déclencheur à distance, afin d’éviter au maximum les vibrations lors de la prise de vue. Et évidemment, un bon trépied. Enfin, afin d’éviter les poussières sur les diapos – que vous manipulerez avec des gants en coton -, une poire à lavement fait l’affaire.

La table lumineuse est posée sur une table basse. L’appareil photo, monté sur trépied, est incliné à 90°. Ce dernier point est très délicat : avec un objectif macro le risque est élevé de se retrouver avec une partie d’image floue et l’autre nette. L’installation est artisanale mais une solution existe afin d’avoir un parallèle maximum entre le plan et l’objectif. En ce qui nous concerne, une feuille de papier millimétré fait l’affaire. Neuve (pour éviter les traces de plis ou les ondulations) et délicatement découpée, elle est posée sur la table allumée, permettant de vérifier si la mise au point est possible sur la plus grande partie de l’image. Nous serons également sûr que l’image ne sera pas déformée. L’assistance en Liveview fournie par l’appareil évoquée plus haut a ici toute son importance.

La prise de vue

Avant de commencer, quelques notions de base. Il est communément admis que le piqué optimal rendu par un objectif se situe dans des ouvertures comprises entre f5.6 et f8. Dans le cas présent, c’est cette dernière qui est utilisée. Les prises de vues doivent se faire en RAW, pour récupérer un maximum d’informations, notamment en basse lumière. Sur ce dernier élément, une petite information : dans le cas de cet appareil photo assez récent, le format brut utilisé, CR3, n’est pas pris en compte par le logiciel de post-traitement (ici Lightroom 4). Si cela vous arrive, rien de plus facile, il suffit de convertir votre fichier brut grâce à Adobe DNG Converter (libre et téléchargeable), qui le met au format DNG et ainsi le rend exploitable.

Calez bien votre diapo sur le bord de votre table lumineuse. N’oubliez pas que vous pouvez vous aider du Liveview durant toute l’opération.

La mise au point doit se faire en manuel. Il est possible, comme indiqué au début, de vous aider de l’assistant, si bien sûr votre appareil en est pourvu. Ainsi, à mesure que l’on tourne la bague de mise au point, les contours des éléments de l’image se colorent en bleu. Plus c’est intense et répandu sur l’image, mieux c’est ! Votre photo sera nette. Mais chacun ses habitudes, utilisez le viseur optique si vous êtes plus à l’aise avec lui.

L’affichage de l’histogramme est très utile afin de choisir la bonne vitesse pour une image équilibrée. En cas de doute (contre les pertes en basses ou hautes lumières donc), guidez-vous grâce à celui-ci afin de prendre différentes images en variant les vitesses. Pour vous donner des exemples, cela a été aussi bien dans cette série 1/1500s que 1/6s. D’où l’importance du trépied…

Et bien sûr ne pas oublier de régler la sensibilité à 100 ISO !

Le déclencheur doit être, si ce n’est dans la main, posé sur une surface autre que le support de votre table afin d’éviter les vibrations.

Vous avez vos vues ? Parfait ! Place à l’opération complexe du post-traitement.

Le traitement logiciel

Ouvrez Lightroom, ou tout autre logiciel équivalent. Importez vos photos, et n’hésitez pas à créer un ensemble de collections pour vous y retrouver et les trier selon les thèmes que vous souhaitez (date, lieu, sujet…).

Pour faire le tri en cas de plusieurs prises d’une même diapo (en cas de doute comme signalé dans la partie précédente), le logiciel affiche lui aussi un histogramme. Aidez-vous de ce dernier afin de choisir la photo la mieux exposée (ou plutôt contenant le plus d’informations). A moins que vous soyez très à l’aise en développement pour faire une fusion de vues, mais là c’est une autre histoire…

Nous entrons maintenant dans le traitement proprement dit, soit en terrain connu. Rien de très original pour commencer : du fait du RAW, il faut corriger la déformation de l’objectif, en sélectionnant le profil d’objectif correspondant enregistré sur le logiciel, ce qui élimine les distorsions. Ne pas oublier de synchroniser ce réglage sur tout le catalogue, un réflexe à acquérir qui fait gagner beaucoup de temps.

Malgré cela, du fait d’une installation somme toute artisanale, il reste toujours un risque de déformation de l’image, même minime. Sur « outils », sélectionnez « grille », puis retournez sur la correction de l’objectif, mais cette fois en mode manuel. La grille permet de vérifier que la photo soit bien droite. Dans le cas présent il a fallu tout de même régler la distorsion et la transformation verticale. Cela doit être fait pas à pas, le réglage est très sensible. Heureusement, il s’ajoute – j’ai essayé pour en être sûr ! – à la correction automatique de l’objectif faite précédemment, il ne le remplace pas, ce qui implique de faire la correction dans cet ordre là. Enfin, recadrez l’image à l’aide de la grille.

Sur des photos anciennes, il arrive que les couleurs « virent ». Il faudra donc régler la température de couleur, d’autant que celle de la table lumineuse peut parasiter le rendu. Culturellement, notre œil est formaté pour tolérer que des photos d’un certain âge peuvent virer au rouge, au violet … C’est donc un aspect très subjectif du traitement. Il m’est tout de même arrivé sur une image qui avait viré à l’extraterrestre de pousser la température à… 42000°  pour avoir un résultat un peu plus humain !!! On peut aussi se permettre de dé-saturer.

Enfin, faites les réglages habituels, l’exposition, le contraste, la recherche d’éléments dans les hautes et basses lumières… Il ne faudra pas oublier si nécessaire la netteté et/ou la clarté.

Le Résultat

Arrivés à ce stade, contemplons le résultat (préalablement exporté au format Tiff..), en ayant en tête qu’il s’agit ici d’un exemple de numérisation à moindres frais (mais avec un minimum de qualité) de souvenirs de familles. Attendez-vous donc à la fin de cette expérience à (re)découvrir des photos aux cadrages aléatoires, à la mise au point plus ou moins nette sur le sujet principal, etc. Mais cela a moins d’importance que la valeur sentimentale des images.

Nous sommes vraisemblablement en 1963 ou 1964. A cette époque mon père (à droite), jeune marié, travaille sur un pétrolier. Lui et ses collègues prennent des photos. Celle-ci a été prise à Nagoya, grande ville du Japon et port industriel, lors d’une escale.

A vous de jouer !

Walter Saraiva

waltersaraiva Auteur

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